Jardiner comme confectionner mandala de sable

Dimanche dernier et aujourd'hui samedi : Débitage de deux autres billots de l'érable rouge. Abattage de deux jeunes bouleaux jaunes près de La Reposée, en laissant les repousses au raz du sol qui pousseront peut-être de manière arbustive. Abattage d'un jeune érable près du Salon. Suppression des branches mortes sous les sapinages.
Je me suis procuré un coin à fendre en acier. Son emploi facilite et accélère grandement le fendage en buches !

Or dès le printemps, la perception est totalement différente. La vie exulte de manière si débridée, si changeante, si... vivante ! Les plantes croissent d'autant plus vite que la saison est courte. Elles se reproduisent. Elles meurent. Oiseaux, insectes et petits mammifères fouillent le sol, les fruits, les troncs. L'eau coule, creuse, charrie, colmate.
Mes gestes ponctuels de jardinage apparaissent alors dérisoires. Certes, je peux modifier dramatiquement le paysage. Transformer progressivement ce bout de forêt en jardin. Mais c'est la nature qui continue à le composer, l'emplir et le faire évoluer. Ce sont les éléments et les êtres vivants qui continuent à faire l'essentiel de l'ouvrage. Que je ne relâche l'effort qu'un moment, que je ne cesse de jardiner qu'une saison, et déjà la nature reprendra le dessus sur la culture (aux deux sens du mot). En seulement quelques années, la forêt aura regagné sur le jardin dont les sentiers, les pièces et probablement même les ruisselets disparaitront rapidement.
Or, un jour ou l'autre, je disparaitrai du Bocage. Ma santé, mon travail ou ma situation familiale m'exigera peut-être de déménager. Ou sinon, je mourrai un jour. Le Bocage perdra alors probablement son nom. Le jardin dépendra d'autres mains, yeux et cerveaux jardiniers ; ou bien sera abandonné à lui-même ; ou bien sera tout simplement détruit.
Jardiner Le Bocage se vit donc, à la fois, comme un acte de défiance, de communion et d'humilité face à la nature.
Cela n'est pas sans me rappeler la confection des mandalas de sable par les moines tibétains.
Jardiner est semblablement oeuvrer directement avec des éléments de cet univers fondamentalement impermanents. Et vivants par surcroit ! Le jardin et son jardinage peut ainsi être vécu, comme le mandala, comme un lieu et un temps consacrés chargés de nous renouveller notre lien à l'univers, de nous rappeller le caractère sacré de l'univers et de la vie, et donc de notre propre vie. Le jardin peut être encore plus puissant qu'un mandala puisqu'il n'est pas qu'une création extérieure à soi. C'est une création à l'intérieur de laquelle on se retrouve tout entier. Encore plus dans le cas d'un boisé qui nous enveloppe de toute part. Pour rester dans la métaphore, le jardin est alors autant le mandala que le temple où celui-ci est tracé.
Le Bocage constitue donc ma chapelle personnelle, un refuge, un lieu de ressourcement, de plaisir, de repos et d'émerveillement où j'apprends à me réconcilier avec moi-même et l'univers.
Libellés : entrée au journal, philosophie au jardin
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