Le Bocage - Journal du jardin


Carnet d'observations, d'expérimentations et de réflexions

dans le cours du jardinage d'un boisé en Haute-Amérique


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24 février 2007

Un drainage raisonné

photo M.-J. MusiolEnsoleillé, maximum -2 °C.

Grande séance de fendage de buches. En effet, un élagueur est venu cette semaine abattre et débiter le grand érable rouge malade sur le chemin de La Reposée. De quoi faire un bon deux cordons (ou deux fois 1,2 mètre cube ou un demi-stère) de bois de chauffage. Le coeur de l'arbre étant carié, le fendage s'effectue aisément.

* * *

Ruisselet du Bocage en hiverSelon les données fournies par le service de statistiques, nombre de « googleurs » viennent visiter ce site à la recherche d'informations sur le drainage ou l'assèchement de leur jardin. « Comment drainer un jardin ? » « un terrain humide ? » Je n'ai pas la prétention de détenir une expertise officielle sur ce sujet spécifique. Cependant, je peux ici vous faire part de mon expérience personnelle et des multiples leçons que j'en tire.

Avant de devenir ce projet de jardin à l'ombre, Le Bocage était un boisé largement détrempé durant les semaines qui suivaient la fonte des neiges. Ensuite, l'eau continuait d'affleurer dans de nombreuses cuvettes lorsque les pluies étaient régulières. Avec le temps j'ai pu établir que le vallon avait autrefois été traversé par un ruisseau. Dans ces conditions, il aurait été souvent malaisé d'y marcher et jardiner. En outre, tel que recommandé par la Direction de la Santé publique, je voulais éliminer ces flaques qui constituaient autant de lieux de nidification pour les moustiques (à une époque où on s'inquiétait ici plus sérieusement des risques d'infection par le virus du Nil occidental).

J'ai donc invité au boisé un jardinier-paysagiste professionnel. Celui-ci me conseilla deux mesures. Premièrement, creuser une rigole peu profonde qui traverserait le terrain afin d'assécher les premiers centimètres du sol. Deuxièmement, établir un sentier légèrement surélevé avec le bois raméal fragmenté (BRF) provenant de mes coupes d'éclaircissement. Ce BRF devant se tasser et décomposer, je pourrais en étendre une autre couche ou opter pour la pose de gravier fin. J'ai suivi ces conseils. L'installation du sentier s'est fait la deuxième année et le développement du réseau de rigoles a pris trois étés.

La première question soulevée fut : comment concevoir les rigoles afin qu'elles ne soient pas elles-mêmes un lieu de nidification de moustiques si l'eau y stagne, ou de mouches noires si l'eau y est trop courante. Étonnamment, ce genre d'information n'était pas disponible dans la documentation offerte par les autorités environnementales et de santé publique. J'ai donc contacté le service de l'environnement de ma municipalité, la direction régionale de la Santé publique et le ministère québécois de l'Environnement. À aucun de ces endroits, on fut incapable de me répondre.


Terrain mal drainé ou milieu humide ?
Cependant, autant à la municipalité qu'au ministère, on m'a signalé qu'il me fallait d'abord vérifier si mon terrain n'était pas un milieu humide protégé. Voilà un point crucial. Il y a trois possibilités :
  1. Le terrain est, en tout ou en partie, un milieu humide. Dans plusieurs collectivités, une règlementation protège les milieux humides contre le drainage, l'assèchement ou autre forme de destruction. Le défi ne sera donc pas de drainer, mais bien au contraire de valoriser ce milieu humide.
  2. Le terrain n'est clairement pas un milieu humide, mais bien un espace occasionnellement détrempé, voire inondé. Le défi est alors simplement d'organiser un drainage adéquat.
  3. Le terrain, sans être formellement un milieu humide, présente une flore qu'on souhaite préserver pour l'essentiel. Le défi est alors d'assurer que les interventions soient parfaitement ajustées afin de drainer sans bouleverser l'écologie du milieu, ni compromettre la survie des plantes déjà établies. C'était le cas du Bocage.
Consulter cette page pour les critères de détermination.


Creuser ou relever ?
Si une intervention est possible et souhaitable, on a encore une fois deux options : creuser ou relever le niveau du sol. On peut aisément combiner les deux en récupérant la terre du creusage.

Ainsi, les cuvettes et dépressions peuvent être légèrement comblées pour créer des platebandes humides. Ou au contraire creusées pour créer un étang ou une rive de cours d'eau. C'est d'ailleurs souvent une meilleure option qu'un drainage de tout un terrain.

En fait, on peut aisément profiter d'une pluralité de platebandes plus ou moins humides selon leur élévation afin de diversifier les types de plantes pouvant croitre au jardin. Il ne s'agit alors que de bien identifier les différents types de milieux afin de sélectionner les plantes aux niches écologiques correspondantes.

Le Bocage est en pente légère et parsemé de roches. Il se prête donc mieux à être serpenté par des ruisselets qu'à l'établissement d'étangs. Les cuvettes ont été à peine comblées pour créer des platebandes humides (pour le myosotis palustris, par exemple).


Cours d'eau ou fossé ?
Si on opte pour le creusage de rigoles, il faut s'interroger à savoir s'il s'agira d'un simple sillon de platebande ou d'un fossé qui se rattachera au réseau municipal de fossés ou d'égouts de surface, ou s'il deviendra un cours d'eau au sein du système hydrographique local. Sur le plan de l'apparence, la différence peut être subtile. Cependant, les conséquences légales, elles, peuvent s'avérer considérables (consulter cette page pour plus de détails).

Dans le cas du Bocage, les registres municipaux signalaient un « cours d'eau » intermittent qui remontait officiellement jusqu'à l'exacte limite du terrain. Ce ruisselet résultait du détournement d'un ancien ruisseau vers la ligne délimitant deux suites de terrains aujourd'hui résidentiels. J'ai choisi de réhabiliter dans mon jardin l'ancien lit du ruisseau et de le raccorder au nouveau cours d'eau. Je compte bientôt faire reconnaitre les deux ruisselets ainsi formés dans la carte officielle du réseau hydrographique local. L'avantage est que, ce faisant, des bandes riveraines situées chez les voisins en amont et en aval de mon terrain recevront une protection légale contre certains types d'aménagements (construction d'immeuble ou aménagement d'un stationnement, par exemple).


Procéder avec prudence
Il vaut mieux procéder prudemment et par étapes à l'établissement des rigoles afin d'éviter un assèchement excessif devant être compensé par des arrosages.

L'eau est un élément puissant. En sol meuble ou sablonneux, l'eau peut rapidement creuser son propre lit. C'est d'ailleurs ainsi que j'ai procédé pour l'essentiel du réseau du jardin. Les jours où le terrain était gorgé d'eau ou sous la pluie, je creusais un mince sillon de quelques centimètres de large et d'à peine un seul de profond avec un petit râteau à feuille large d'une quinzaine de centimètres. Aussitôt, l'eau s'y engouffrait pour éroder cette entaille. Après quelques pluies, une rigole se dessine et se creuse. Évidemment, dans un sol glaiseux il faudra faire le travail soi-même.

L'avantage de cette méthode est qu'on dispose d'un niveau naturel. Pas besoin de calcul donc. L'eau nous indique immédiatement le degré d'inclinaison de la pente de la future rigole et sa vitesse d'écoulement. On procède alors de proche en proche, en descendant ou remontant. Pour Le Bocage, j'ai remonté à partir du cours d'eau dans lequel il fallait décharger en suivant chaque fois d'où l'eau avait tendance à venir. C'est d'ailleurs une des raisons pour laquelle cela m'a pris trois étés. Je ne pouvais suivre les veines d'eau que les jours suivant de grandes pluies. L'autre raison est que je voulais m'assurer de ne pas trop perturber la flore déjà existante à la surface. En outre, il fallait à chaque pluie aider à ce que l'eau creuse uniformément le lit des rigoles. Enfin, je ne consacrais jamais plus que quelques minutes par jour de pluie « soutien au creusage » effectué par l'eau.


Restreindre la penteCascatelle no 1 du Bocage en hiver

Il est important de maintenir une pente douce pour que l'eau s'écoule aisément, mais lentement. Sinon, on risque une érosion, donc un creusage excessif des rigoles et perte de sol, donc un drainage démesuré. Un courant fort peut aussi encourager la prolifération de mouches noires.

Deux solutions s'offrent ici. La première est de créer des sinuosités dans le parcours de l'eau. Tout allongement réduit d'autant la pente, tout en donnant une allure plus naturelle qu'un fossé rectiligne. La seconde solution est la mise en place de petites cascades dont le glougloutement égayera le jardin. Cinq cascatelles coupent la pente du réseau très sinueux du réseau du Bocage.


Décantation
Prévoir un bassin de décantation à la sortie du terrain afin de récupérer le limon entrainé par l'eau. En effet, vaut mieux récupérer pour soi ce matériau fertile plutôt que d'engraisser (et donc polluer) lacs et marais plus en aval dans le bassin versant.

Seulement l'été dernier, j'ai ainsi récupéré un demi-mètre cube (ou au-delà d'une demi-tonne si vous préférez) de limon dans le bassin de décantation de la décharge.

Un bassin de décantation est un espace où l'eau peut ralentir suffisamment pour avoir le temps de se décharger de ses matières en suspension. Un tel ralentissement est possible lorsque le volume d'eau est considérablement plus grand que le débit ordinaire de la rigole. Un obstacle peut faire augmenter la profondeur et un élargissement la surface de l'eau, et donc ensemble son volume. C'est dans la cuvette ou le réservoir ainsi formé que s'accumulera le limon.


Le lit
Après discussion, les membres du forum jardinage.net ont conclu que le meilleur lit est celui à même le sol. Pas de lit gravier ou de galets de rivière donc. L'entretien est plus facile. On peut plus aisément rectifier le lit pour éviter les petites cuvettes propices à la nidification des moustiques. La gestion de l'eau en cas de sècheresse (voir plus bas) est aussi simplifiée.


Les roches
Les cycles gel-dégel tendent à élargir les passages entre roches bien ancrées dans le sol. En effet, un de mes ruisselets doit ainsi se faufiler à un étranglement ainsi formé. J'ai cependant remarqué qu'après un premier hiver, ce couloir s'était déjà agrandi de quelques millimètres.


Entretien
Une fois établie, les rigoles ne demandent qu'à être ponctuellement débarrassées des débris, telles les feuilles mortes à l'automne, qui s'y retrouvent. Autrement, l'eau fait elle-même le travail de nettoyage.

Durant la période d'établissement, il faut prendre quelques minutes pendant et après chaque pluie importante pour effectuer quelques rectifications du lit.


Par temps de sècheresse
Les rigoles peuvent servir à retenir l'eau, plutôt que la drainer. J'ai découvert cela en observant l'effet d'une importante chute de feuilles mortes sur le débit. On peut donc garder une réserve de feuilles mortes ou de paillis en vue des périodes de canicules. Déposée en des points stratégiques du réseau de rigoles, cette matière ralentit considérablement la vitesse d'écoulement et l'évaporation ainsi que favorise l'absorption de l'eau par le sol. Là où le débit pourrait être trop important pour cette solution, l'installation d'une succession de petits barrages-réservoirs temporaires ou amovibles aura un effet similaire.

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16 février 2007

Vent coupeur de têtes

photo M.-J. Musiol :  Gaillet Soleil, nuages et neige légère. Température à la baisse depuis le matin, - 11 °C en après-midi.

J'ai perdu mon coin à fendre dans la neige. J'ai eu beau passer au râteau un bon cinq mètre carré, rien à faire. J'ai d'ailleurs failli perdre des outils nettement plus imposant. J'apporterai donc une toile pour l'entreposage temporaire des outils durant le travail.

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L'entrée du Bocage vue de la maisonLors de pauses durant l'opération de sciage de la base du tronc de l'érable rouge renversé dans La Réserve, j'ai remarqué que plusieurs grands arbres qui étaient décapités. Presque tous à une hauteur de 20 mètres ou plus. Intéressant.

J'ai alors observé le comportement des arbres sous le vent. Le boisé étant dans un vallon, les bases des arbres sont plutôt à l'abri du vent. Ce n'est cependant pas le cas de leurs cimes. Le plus gros de la pression du vent ne porte donc que sur celles-ci. Ce n'est donc pas tout l'arbre qui oscille sous le vent, mais surtout sa tête. Et celle-ci subira encore plus le vent si elle dépasse les autres autour. Dans ces conditions, pas étonnant que des branches à la tête se rompent alors. Le tronc principal ainsi interrompu, les branches secondaires prennent le relais. C'est ainsi que le boisé présente une canopée dont la hauteur apparait plus ou moins uniforme, à part pour le grand sapin près de L'Enceinte.

Deux choix se présentent alors à moi : effectuer périodiquement un élagage préventif ou laisser-faire. Or, la taille de la canopée sans possibilité d'utiliser une nacelle sur bras hydraulique comportent des difficultés et des couts de main d'oeuvre spécialisée appréciables. En outre, ce genre de décapitation ne doit survenir qu'infréquemment. Je vais donc opter pour un certain laisser-faire. Déjà, j'abats les arbres surnuméraires attaquant les autres sous le vent. Il me suffira alors de dégager au fur et à mesure les éventuelles branches cassées, qu'elles aient ou non pu tomber jusqu'au sol.

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Mesures de la neige au sol

photo M.-J. Musiol :  Nuageux, - 2 °C.

Petite routine d'hiver : abattage et débitage de deux autres jeunes arbres surnuméraires près du Salon après l'alimentation de la pile de compost et une tournée d'inspection du jardin.

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Le ruisselet en amont de la déchargeJe me rends compte que jusqu'ici je n'ai pas porté une assez grande attention à la couverture de neige dans mes notes d'observations hivernales.

En effet, l'importance de la couverture de neige a un impact sur la protection des plantes basses contre le froid intense et le redoux, et donc sur leur santé ultérieure ainsi que sur la date de la reprise printanière. La quantité de neige détermine aussi comment et combien de temps le sol sera saturé d'eau suite aux périodes de fonte (tout particulièrement dans un vallon comme celui du Bocage.

On peut prendre deux types de mesures de la couverture : météorologique et horticole.

La mesure météorologique cherche à obtenir l'évaluation la plus exacte possible ainsi que la plus aisément comparable dans le temps et entre stations. Elle doit donc se faire dans un grand espace plat et libre d'obstacles pouvant influer sur la couverture de neige (conifères, bâtiments et autres objets). Typiquement, c'est un champ à proximité d'un aéroport. On prend alors au moins une dizaine de mesures avec une règle graduée bien enfoncée jusqu'au sol (donc à travers la glace). Ensuite on calcule la moyenne afin de gommer les variations dues aux inégalités des surfaces du sol et de la neige. En fait, une mesure météorologique complète exige aussi de mesurer chacune des chutes de neige (afin de les évaluer sans effet de tassement) ainsi que leurs taux d'humidité respectives.

La mesure horticole est plus simple et directe. Il s'agit d'établir l'épaisseur de la neige protectrice pour chaque platebande ou ensemble de platebandes. En effet, les emplacements balayés par le vent pourront avoir accumulé nettement moins de neige que d'autres où on retrouvera des amoncellements. La glace en contact direct avec le sol offrant une faible protection thermique, il vaut mieux la mesurer séparément. Lorsqu'on note une différence notable dans l'épaisseur de la couverture, il faut retenir ces mesures et ces emplacements. Ces informations permettront d'établir où effectuer des plantations ou transplantations ou encore installer des protections si l'expérience le commande.

C'est évidemment la mesure horticole qui nous intéresse ici. Cependant, on peut tenter d'observer des corrélations entre celle-ci et une mesure météorologique, prise chez soi ou obtenue d'une station météo située pas trop loin.

Cet exercice de mesure est une bonne excuse pour effectuer régulièrement un tour d'inspection du jardin durant les longs mois d'hiver.

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10 février 2007

Jardiner comme confectionner mandala de sable

photo M.-J. Musiol :  Ensoleillé avec quelques nuages, maximum - 7 °C.

Dimanche dernier et aujourd'hui samedi : Débitage de deux autres billots de l'érable rouge. Abattage de deux jeunes bouleaux jaunes près de La Reposée, en laissant les repousses au raz du sol qui pousseront peut-être de manière arbustive. Abattage d'un jeune érable près du Salon. Suppression des branches mortes sous les sapinages.

Je me suis procuré un coin à fendre en acier. Son emploi facilite et accélère grandement le fendage en buches !

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Feuilles de hêtre sous la neigeFigé dans l'hiver, Le Bocage prend une apparence intemporelle ; et chacune des interventions que j'y fais semble avoir un caractère définitif.

Or dès le printemps, la perception est totalement différente. La vie exulte de manière si débridée, si changeante, si... vivante ! Les plantes croissent d'autant plus vite que la saison est courte. Elles se reproduisent. Elles meurent. Oiseaux, insectes et petits mammifères fouillent le sol, les fruits, les troncs. L'eau coule, creuse, charrie, colmate.

Mes gestes ponctuels de jardinage apparaissent alors dérisoires. Certes, je peux modifier dramatiquement le paysage. Transformer progressivement ce bout de forêt en jardin. Mais c'est la nature qui continue à le composer, l'emplir et le faire évoluer. Ce sont les éléments et les êtres vivants qui continuent à faire l'essentiel de l'ouvrage. Que je ne relâche l'effort qu'un moment, que je ne cesse de jardiner qu'une saison, et déjà la nature reprendra le dessus sur la culture (aux deux sens du mot). En seulement quelques années, la forêt aura regagné sur le jardin dont les sentiers, les pièces et probablement même les ruisselets disparaitront rapidement.

Or, un jour ou l'autre, je disparaitrai du Bocage. Ma santé, mon travail ou ma situation familiale m'exigera peut-être de déménager. Ou sinon, je mourrai un jour. Le Bocage perdra alors probablement son nom. Le jardin dépendra d'autres mains, yeux et cerveaux jardiniers ; ou bien sera abandonné à lui-même ; ou bien sera tout simplement détruit.

Jardiner Le Bocage se vit donc, à la fois, comme un acte de défiance, de communion et d'humilité face à la nature.

Cela n'est pas sans me rappeler la confection des mandalas de sable par les moines tibétains.

Mandala de sable tibétainLes mandalas (du sanscrit « cercle », « complétion ») est une figure géométrique représentant le cosmos qui sert aussi souvent de support à la méditation. Le cas des mandalas de sable est cependant particulier puisque ceux-ci incarnent magnifiquement la notion d'impermanence de l'univers au coeur de la philosophie bouddhiste. Ainsi, les moines consacrent des semaines à concevoir ces chefs-d'oeuvre de détail et de précision en vue d'une occasion particulière où le sable sera finalement balayé en une masse informe, toute couleurs mêlées, puis jeté dans un cours d'eau.

Jardiner est semblablement oeuvrer directement avec des éléments de cet univers fondamentalement impermanents. Et vivants par surcroit ! Le jardin et son jardinage peut ainsi être vécu, comme le mandala, comme un lieu et un temps consacrés chargés de nous renouveller notre lien à l'univers, de nous rappeller le caractère sacré de l'univers et de la vie, et donc de notre propre vie. Le jardin peut être encore plus puissant qu'un mandala puisqu'il n'est pas qu'une création extérieure à soi. C'est une création à l'intérieur de laquelle on se retrouve tout entier. Encore plus dans le cas d'un boisé qui nous enveloppe de toute part. Pour rester dans la métaphore, le jardin est alors autant le mandala que le temple où celui-ci est tracé.

Le Bocage constitue donc ma chapelle personnelle, un refuge, un lieu de ressourcement, de plaisir, de repos et d'émerveillement où j'apprends à me réconcilier avec moi-même et l'univers.

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06 février 2007

Bienvenue amis Chinois !

photo M.-J. Musiol :  pinAujourd'hui (heure locale), 23 personnes branchées dans presque autant de villes chinoises différentes sont venues visiter le blogue à quelques heures d'intervalle ? Intrigant cette visite de groupe ?

La plupart du temps, les visiteurs viennent, un par un, de pays connus pour leur population francophone : Canada, France, Belgique, Suisse, États-Unis, Tunisie, Algérie. Presque toujours, mon service de statistique offre une indication ce qui amène ces visiteurs. Le plus souvent c'est une recherche sur Google. Sinon, c'est une référence d'un répertoire, d'un annuaire ou d'une page de forum de discussion comme Jardinage.net.

Cependant aucune information disponible pour ces 23 visiteurs chinois d'un coup : « No referring link ». Amis de Chine, qu'est-ce qui vous amène ici, vous tous d'autant de villes différentes comme Fujian, Hebei, Beijing, Hunan, Qinghai, Shenzhen, Liaoning, Xiamen... ?

Merci de venir visiter ainsi. Mais s'il vous plait, écrivez-moi ou laissez un commentaire afin que je puisse comprendre ce qui vous intéresse.

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03 février 2007

Tour du jardin

photo M.-J. Musiol :  saruma Alternance de soleil et de nuages, maximum - 7 °C.

Pour la première fois, je me lance dans les semis intérieurs hivernaux. Des pavots bleus de l'Himalaya (Meconopsis betonicifolia) sur pastilles de sphaigne dans des plateaux-serres de fenêtre.

Un arboriculteur est venu aujourd'hui évaluer le travail qu'il devra faire cette semaine pour élaguer et abattre sans trop de dommage le gros érable rouge trop profondément écorcé pour survivre. Après j'ai abattue un arbre surnuméraire dans La Reposée. Puis poursuivis le débitage de l'érable rouge renversé par le vent l'été dernier dans La Réserve.

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Ciel, j'ai manqué jusqu'ici à mes devoirs d'hospitalité. Il me faut vous offrir un tour du jardin (ici version janvier 2007 du projet - ce que je décris ci-après est souvent à l'état embryonnaire, cela pousse lentement à l'ombre).


Plan courant du sous-bois du Bocage
« Le Bocage ». Boscage, mot pour la première fois recensé en 1138 qui possède aujourd'hui deux sens. Le plus ancien est petit bois ombragé. Petit, Le Bocage l'est. Quelque 850 mètres carrés seulement. Boisé et ombragé aussi. C'est une érablière à bouleau jaune typique. Le terme désigne aussi un un petit bois sans culture, planté à la campagne pour se mettre à l'ombre. Nous sommes bien à la campagne et Le Bocage nous permet justement de séjourner à l'ombre par jour ensoleillé. Il n'a cependant pas été planté. Il est apparu naturellement. Mais comme jardin, il accueille désormais des cultures au niveau des vivaces et des arbustes.

Le second sens du mot désigne un type de paysage où les champs et des prés sont enclos par des haies vives et des arbres. Pas de champs ou de prés ici, ni même de véritable paysage. Cependant, Le Bocage est effectivement enclos sur trois côtés par une haie libre mixte d'arbustes (sureaux, viornes, physocarpes et fusains de diverses espèces et variétés - il me faut compléter la plantation du troisième côté au nord-est dans le prolongement du boisé chez le voisin) et par un talus surmonté d'une haie bien taillée de thuyas sur son côté sud-est. À l'intérieur, d'autres haies d'arbustes structurent le jardin en délimitant les différentes pièces, dont trois sont complètement fermées.

On accède au Bocage par la cour arrière de la maison qui est le jardin de soleil — le royaume de Blonde — que le boisé borde et surplombe un peu. Un grand bouleau jaune domine l'ensemble. Une trouée dans les arbres en direction ouest laisse entrevoir un autre boisé plus loin qui cache désormais la flèche argentée du clocher d'une petite chapelle.

La haie de thuyas, bien établie, comporte une ouverture sous le grand bouleau jaune qui domine la bordure sud-est. C'est l'entrée de mon domaine à moi, Le Bocage dont le plancher se trouve quelque quatre mètres plus bas. Il n'y a pas encore d’escalier, même si la plateforme d'accès est déjà là. Ici, nous sommes déjà accueillis par un grand sureau rouge (sambucus pubens) qui longe une large part de la descente du futur escalier.

Sureau rouge (sambucus pubens)En bas, nous nous retrouvons au creux d'un vallon, presque sur l'ancien lit d'un
ruisseau aujourd'hui disparu. On entrevoit d'ailleurs, tout près et ailleurs, deux ruisselets qui se joignent sans le jardin avant d'achever de le traverser.

En le prenant le sentier de bois raméal fragmenté vers le nord, on traverse un des ruisselets qui le longe un moment. De part et d'autres, deux petites cascatelles (autre joli mot) glougloutent doucement. Entre les deux, à droite, un discret chapelet de pierres plates. Elles mènent, derrière les rochers, à une pièce fermée par des plants de cornouillers à grappes (cornus racemosa) et de sureaux plumeux dorés (sambucus racemosa ‘Sutherland gold’). Au-dessus d'un lit d’aspérules odorantes entouré de mélisse citronnelle pour éloigner les moustiques est suspendu l’été un hamac maya multicolore. C'est La Reposée, expression qui désigne un endroit de repos diurne d'un animal. L'animal ici, c'est bibi. Il y a deux autres cascatelles qui glougloutent délicatement tout près au printemps et lorsqu'il a plu beaucoup.

Immédiatement après la discrète piste vers La Reposée, le sentier rencontre à droite une véritable allée de pierres plates menant à une plateforme avec le même recouvrement. C’est Le Salon. Évidemment une pièce aménagée pour recevoir famille, amis et autres visiteurs. Cependant, en jardin, ce mot désigne également un espace garni de bancs, aménagé au milieu des arbres d'un parc. Le Salon est exactement cela. Il offre plusieurs points de vue sur le jardin grâce à une structure où les murs séparant la plupart des pièces convergent vers Le Salon.

En poursuivant sur le sentier qui à un moment bifurque abruptement vers la gauche, traverse une sorte de jardin de roches et blocs erratiques. La sortie de cette section est marquée par la traversée de l'autre ruisselet. Bientôt, on passe devant une large haie de deux ou trois rangs de harts rouges à droite, juste devant la grande talle de fougère en face. C'est L'Enceinte, qui encercle et protège une sorte de sanctuaire tranquille, lui-même circulaire qui comportera un unique banc massif, rond également, tout au centre. Lorque cette haie sera mature, elle isolera de l'extérieur en ne permettant que la vue du ciel et de la canopée autour. La sensation d'enveloppement et d'isolement est complète puisque l'unique entrée pénètre la haie en une spirale. Même l’hiver, on se verra entouré de centaines de belles tiges rouges contrastant avec la neige.

Le sentier poursuit en faisant un long virage vers la gauche, passe devant une pièce entièrement couverte de plantes à grand feuillage (tussilages, pétasites, ligulaires) puis par-dessus une cascatelle bruyante des débits combinés des deux ruisselets. Immédiatement après, un autre discret chapelet de pierres plates mène à La Réserve où se retrouvent, cachés par de nombreux arbustes, deux piles à compost, des amas de terre et de feuilles mortes, une pépinière et la décharge du ruisselet avec bassin de décantation.

Puis, c'est le retour à l’escalier. Voilà.

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02 février 2007

Conditions de jardinage selon le rapport 2007 du GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat)

photo M.-J. Musiol :  Le document du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) publié aujourd'hui n'est qu'un résumé de 21 pages d'un rapport nettement plus volumineux à être publié en mai prochain. Ce résumé est actuellement disponible en anglais. Une version française sera disponible sous peu.

Ce premier rapport de la fournée 2007 traite de la science physique des changements climatiques, les impacts devant être traités dans le second. Comme annoncé, ce document confirme la réalité des changements et la participation de l'humanité à ceux-ci.

Le résumé est, par définition, très concis. Et beaucoup d'informations ne sont données que sous forme de graphiques.

Projection des précipitations du rapport du GIEC 2001 Laissons aux médias le soin de soupeser les considérations scientifiques et... politiques. Ce qui intéressera les jardiniers se trouve dans deux tableaux.

Le premier à la page 19 indique que température augmente presque partout sur tous les continents, y compris au Québec comme en Europe, de manière plus ou moins grave selon les scénarios d'émissions futures de gaz à effet de serre. Ici, aucun jardin n'y échappera.

Quant aux précipitations, facteur crucial, on affirme en page 12 que la probabilité est forte, qu'on assistera à une augmentation encore plus grande de la fréquence de vagues de chaleur extrême et d'évènements avec très fortes précipitations. Il faudra donc prévoir le drainage des pluies excessives et des mesures d'atténuation des périodes de sécheresse (paillage suffisant, réduction préventive du drainage).

En page 20 la carte de précipitations (celle actuellement affichée ici est tirée du précédent rapport de 2001) pour l'hiver (janvier-février-mars) indique une nette augmentation des précipitations au Québec, au Canada, en Arctique, dans le nord de l'Asie et en Amérique du Sud ; peu de changement ou légère augmentation dans le sud-ouest de l'Europe ; et une réduction notable à la hauteur des deux Tropiques.

Quant à l'été (juin-juillet-aout) : les précipitations resteraient dans les mêmes quantités au Québec ; mais on noterait par contre une diminution considérable de celles-ci sur tout le pourtour de la Méditerranée et le Moyen-Orient, l'Amérique Central, le Brésil, le sud de l'Afrique.

Bref, le jardinage dans Le Bocage (sud-ouest du Québec) sera moins affecté négativement qu'en bien d'autres endroits dans le monde où les changements pourraient être carrément dramatiques. Se situant dans le creux d'un vallon, cela laisse entrevoir une alimentation encore plus continue en eau provenant des hauteurs avoisinantes avec quelques « coups d'eau » plus importants au printemps et après les orages qui risquent d'être plus fréquents et répartis sur une plus longue plage de temps.

Les portraits régionaux seront plus détaillés lorsque le premier rapport lui-même sera publié ce printemps. C'est le deuxième rapport qui apportera les contributions des biologistes, botanistes et agronomes quant aux impacts des changements que les physiciens, météorologues et mathématiciens ont ici constatés.

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