Le Bocage - Journal du jardin


Carnet d'observations, d'expérimentations et de réflexions

dans le cours du jardinage d'un boisé en Haute-Amérique


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17 juin 2007

S'allier à l'Univers

photo M.-J. Musiol Averses tôt le matin. Dégagement et soleil par la suite. Maximum 24.

Petite routine. Tournée d'engraissement foliaire des arbustes en bordure. Poursuite de l'épandage de BRF sur le sentier. Mise en terre des derniers plants d'impatiens de Madagascar (peut-être impatiens tuberosa) en une platebande à côté de la future base de l'escalier. Première tentative de mise en terre de tricyrtis (tricyrtis hirta), mais après essai, je me rends compte il me faudra attendre que les plants soient nettement plus forts afin de faire face à la compétition racinaire. Empotage des pousses provenant de semis sur pastilles de mousse de cet hiver. Déplacement de quelques brassées buche du boisé vers le carré d'entreposage contre la maison. Bref nettoyage de la future platebande d'astilboïdes, puis des deux niveaux inférieurs du ruisselet après les averses de dimanche matin.

Je constate que les viornes 'autumn jazz' (viburnum dentatum 'autumn jazz') sont atteints par la galéruque. Je ne sais si je pourrais les sauver. De leur côté, les cornouillers à grappe (cornus racemosa) semblent atteints par une carence en fer (jaunissement des feuilles sauf aux nervures). Probablement, une déficience de leur système racinaire qui n'a pas encore tout à fait réussi à s'implanter après ce tout premier hiver. J'ai aspergé d'un peu d'engrais foliaire contenant du fer. Je me procurerai du fer liquide cette semaine en vue d'un traitement plus approprié.

* * *


Sureau blanc (du Canada - sambucus canadensis en fleurUn jardin naturel à l'ombre est un défi qui demande de la patience. Surtout lorsque, comme moi, on dispose de peu de temps à consacrer au jardinage et à l'aménagement. Dans mon cas, à peine quelques heures seulement par semaine, quelques centaines tout au plus par année (en comptant les travaux que j'effectue durant tout l'hiver).

J'entame mon quatrième été de jardinage dans Le Bocage. Il me faudra encore plusieurs années encore pour voir s'achever la transformation du boisé en le jardin prévu. Un bon sept ans encore si je me fis à ce qu'on rapporte de l'expérience d'autres jardiniers en boisé qui y ont mis une dizaine d'années, même en y investissant beaucoup plus de temps et de ressources que je n'en mettrai jamais.

Jardiner devient alors oeuvre de simplicité, d'humilité et de patience. Oeuvre aussi de collaboration avec l'univers. Car il me faut apprendre et apprécier comment la puissance de la nature travaille avec moi, et moi avec elle.

Ainsi ce samedi, j'ai découvert une ligne de quatre jeunes houx verticillés (ilex verticillata) qui poussaient exactement là où je désire diviser deux pièces. Puis pas très loin, une pousse de cornouiller (cornus obliqua ou cornus racemosa), une autre de sureau (sambucus canadensis) et un tout jeune bouleau jaune (betula alleghaniensis) en de bons endroits dans une ouverture d'une bordure que je souhaite voir comblée.

De même, j'ai déjà une large platebande de fougères et de petits prêcheurs qui s'est installée presque d'elle-même. J'ai juste eu à éliminer quelques plantes « en surplus » et à y transplanter quelques fougères qui, autrement, allaient être détruites, car elles se retrouvaient au milieu d'un projet de sentier, du chantier d'une pièce du jardin ou encore d'une platebande dédiée à d'autres types de plantes.

Il apparait donc qu'un jardin naturel se réalise en grande partie de lui-même. À condition de faire de la nature une alliée, et non une adversaire. À condition d'observer l'évolution du jardin et des plantes déjà en place ou qui, soudain, apparaissent : autant d'indication sur les milieux les plus propices à telles ou telles espèces. Donc, à condition de décider judicieusement quelles plantes favoriser ou non en quels endroits.

C'est donc la force même de la vie, les forces mêmes des plantes individuelles dont je profite pour composer le jardin. Ce sont donc les contraintes et exigences mêmes du terrain (par exemple, sa dénivellation ou la présence de nombreux blocs erratiques) qui définissent l'allure du paysage, l'emplacement des pièces et des platebandes.

J'ai comblé une section de l'ancien ruisseau qui avait disparu. Des fougères ont commencé à s'y installer. Alors peut-être devrais-je utiliser ce tracé pour en faire une sorte de « coulée » de fougères ou de sorbarias. Ce sera probablement la première option.

De même, lorsque j'étends de la terre en des sites que je ne compte pas aménager cette année, je ne paille pas, mais laisse la terre nue afin qu'elle puisse se faire librement ensemencer par le vent, les oiseaux ou les plantes voisines. Les surprises qui apparaitront seront alors susceptibles de m'aider ou de m'inspirer.

Il s'agit donc d'une collaboration, presque un jeu, voire une danse avec la nature. À la base, elle impose les lois et les règles. Ensuite, elle propose un cadre physique et l'apparition de sujets de certaines espèces en certains endroits. C'est alors que je dispose. Par exemple, je retiens et choie cette pousse de chêne parmi tous les érables rouges (acer rubrum) qui étaient ici presque une mauvaise herbe. Je regroupe en une platebande les trilles rouges (trillium erectum) qui apparaissent en des endroits cachés du regard. La nature assure alors la croissance et l'épanouissement des sujets retenus. Ai-je éclairci la canopée en réduisant le nombre d'arbres ? Bientôt ces derniers s'élargiront pour profiter de l'espace ainsi offert. Et ainsi de suite.

Le jardin qui en résultera sera donc une oeuvre conjointe.

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